Namoro est un duo aux multiples facettes. Entre littérature, théâtre, musique mais aussi radio, Bili Bellegarde et Mascare aiment explorer les méandres de leur créativité. Co-autrices d’Allô Allô Allô Danièle diffusée un lundi par mois sur Station Station, elles ouvrent un cabaret en février 2022 : La Bouche, situé dans un sous-sol à Porte de Clignancourt. Soutien des lieux et cultures alternatifs, Station Station les rencontre pour reconstituer ce puzzle qu’est Namoro.
Billi et Mascare se rencontrent à Lyon, sur les bancs de la faculté de Lettres. Une amitié naît, une histoire d’amour aussi : les sentiments évoluent au rythme de leur carrière. En 2017, Bili se retrouve mutée à la campagne en tant que professeure. C’est une année difficile, où il leur faut absolument trouver un exutoire, un peu de réconfort dans tous ces bouleversements. C’est alors qu’est né Namoro :
“Namoro, au début, c’est un truc punk pas très écoutable pour se faire du bien.”
Ce qui devait servir de défouloir a toutefois pris de l’ampleur. À mesure qu’elles jettent leurs énergies négatives, elles construisent leurs morceaux, elles répètent. Mascare découvre la MAO - musique assistée par ordinateur - et se prend de passion pour la musique électronique. Vite, elles se professionnalisent : la musique constitue alors le ciment de leurs rencontres personnelles comme professionnelles. C’est comme cela qu’a fleuri leur relation avec la radio. En 2018, Namoro est invité sur France Culture, pour présenter leur Lova Song. En 2020, Mascare réalise trois capsules sonores, un peu loufoques, pour VIZIRADIO, qui s’intitulent no more reality. Et un beau jour de 2020, c’est l’aventure Station Station qui débute.
Tout commence avec les Couteaux Poétiques, émission produite par M. et Recto / Verso et diffusée un mercredi par mois à 20h sur nos ondes. Namoro est alors convié en tant que groupe, également pour laisser place à la culture queer dans cette émission dont le concept repose sur la lecture d’extraits couplée à une sélection musicale. Autour de la table ronde du studio stationnaire, une alchimie se crée. Namor et M. décident de monter un projet ensemble : Allô Allô Allô Danièle. Hommage à Danièle Cottereau, première animatrice lesbienne française sur les ondes FM, mais aussi à Aya Nakamura (bébé veut du sale / allô allô allô, dans Pookie).
“À chaque fois, on reprend une chanson d’un répertoire très populaire. Ça permet de sortir de l’entre-soi et du classisme, de remettre au centre les choses qui sont importantes.”
Chaque épisode permet de rentrer dans l’intimité de l’invité.e et de lui laisser la plus grande liberté d’expression possible pour créer leur portrait : lecture de texte, composition musicale, fiction… tout partage de création et d’inspiration est le bienvenu.
“Chaque émission nous fait ressentir des émotions différentes, c’est très puissant à chaque fois. À la fin, on chante toujours en live, comme si on offrait des fleurs à l’invité.e.”#
Namoro explore également l’expression artistique et radiophonique dans le cadre du spectacle vivant. Actuellement, elles travaillent toutes les deux sur une pièce, Belgazou, qui met en scène les fantômes de la guerre d’Algérie. Leur objectif est de travailler sur les trous de l’Histoire, les trous de la mémoire. Cette pièce hybride mêle création sonore et mise en scène car pour Mascare, dont le grand-père était algérien :
“ L’approche radiophonique permet de rendre sensible les absent·es.”
Leur travail se rapproche du théâtre japonais : un théâtre qui se concentre sur les corps qui ne sont en réalité que des masses de minéraux. La première place est donc laissée au texte dans une approche non-psychologisante, pour fabriquer de l’histoire avec ces masses. À long terme, Bili et Mascare souhaitent en réaliser une pièce radiophonique puis un spectacle vivant en collaboration avec trois autres interprètes. Pour le moment, elles finissent leur création tout en travaillant sur un cabaret, La Bouche.
La Bouche, c’est une histoire de rencontres. Avant le tsunami Covid, Namoro participait à des cabarets à l’Oeil, lieu qui a malheureusement dû fermer à cause des difficultés engendrées par la crise. Tout le monde se retrouve face à une impasse, quand le pianiste Grand Soir les met en contact avec Isabelle, une restauratrice du 18e arrondissement, qui leur propose de se produire dans son restaurant.
“On a acheté deux enceintes sur Leboncoin et on s’est produites là-bas. On chantait sur une palette, c’était comme notre radeau. C’était chaleureux.”
Ces concerts ont lieu tous les dimanches durant un mois. Isabelle les adore à tel point qu’elle leur propose de creuser le sous-sol de son restaurant pour créer une petite salle de spectacle. La Bouche est maintenant ouverte, gérée par Grand Soir, Namoro et Soa de Muse. Leur objectif est d’offrir une soirée entre chant, danse et lecture de textes pour créer des objets polymorphes, et proposer des soirées propices aux rencontres. C’est ainsi qu’en Février 2022 le cabaret fête son ouverture officielle à Porte de Clignancourt. Son fonctionnement repose sur le bouche à oreille -sans mauvais jeu de mots-, en vue de créer une communauté, une safeplace précieuse.